Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Approche interculturelle.

L’école est confrontée à des enfants qui ne semblent plus s’intéresser aux savoirs organisés dans nos programmes scolaires. On dit d’eux qu’ils ne savent plus écrire, qu’ils n’aiment plus lire des livres, qu’ils ont des troubles d’attention, de concentration, souffrent d’hyperactivité qui les empêche de se concentrer plus de cinq minutes assis sur une chaise. Alors que fait-on ? D’une part, on médicalise le problème, il faut des spécialistes pour remédier à ces troubles, d’autre part, on revient aux fondamentaux : réaffirmation de la position du maître, socle commun de compétences, avec une attention toute particulière portée au triptyque lire/écrire/compter, on y rajoute un peu d’éducation morale (des airs d’école de Luc Ferry, non ?).

Ne serait-ce pas là un défaut d’observation ? Pourtant les outils sont là (Pisa, évaluations nationales, etc…), peut-être alors faudrait-il adopter une approche interculturelle.

Que pourrait-elle nous apprendre ?

D’une part que nos enfants sont capables d’écrire avec une efficacité et une rapidité (ergonomie) remarquable, presque inimaginable pour nous. De plus ils partagent et communiquent avec un nombre incroyable de personnes, et cela quotidiennement (tient donc : lecture, écriture, communication, sélection des informations, mise en valeur de soi, mise en page, étayage avec différents matériaux (images, textes, sons,)). On pourrait également apprendre qu’ils sont capables de rester plusieurs heures concentrés sur des tâches à résoudre, assis sur une chaise devant un écran.

D’autre part on pourrait apprendre de nous-mêmes (parce que nous accepterions notre propre autocritique) que nous avons été éduqués avant l’avènement des TIC, qu’ils représentent pour nous (éducateurs) un temps du loisir et non du travail. Que nous sommes effrayés par ce que nous ne maîtrisons pas, ou plutôt parce que nos enfants les maîtrisent bien mieux que nous. Nous préférons attribuer aux écrans et autres jeux vidéos des pouvoirs surnaturels qui abrutiraient nos enfants (ce qui serait la cause de leur troubles d’attention), plutôt que de voir que les TIC fonctionnent sur un mode d’essais-erreurs, où l’enfant serait en continuelle recherche de solutions, que s’il échoue, ce n’est que pour mieux réussir la partie d’après, qu’il est capables de faire fonctionner son intellect, sa coordination motrice tout en communiquant avec trois ou quatre autres copains, s’associant pour trouver des stratégies de groupe par l’entraide. Qu’ils y développent leur capacité à anticiper, planifier, prendre des décisions, inventer, imaginer, créer et participer à leur construction de leur savoir. Que s’ils ne peuvent pas tenir en place assis sur une chaise, c’est peut-être parce qu’ils ont devant eux un tableau noir, où tout va trop lentement, où le savoir semble être si loin et si décontextualisé, qu’il semble ne servir à rien à part à échouer à la prochaine interrogation où ils ne manqueront pas d’être sanctionnés par une note, parce qu’ils s’ennuient tout seuls dans leur coin alors qu’ils se retrouvent au milieu d’une classe entière de leurs pairs, parce qu’ils savent que ce pour quoi ils sont bons est dévalorisé par l’enseignant. Que nous continuons à les marteler avec une maxime à laquelle nous ne croyons plus nous-mêmes : « si tu réussis à l’école alors tu réussiras dans la vie », alors que le monde leur démontre qu’on peut créer, réussir et s’épanouir par les TIC, qu’on a plus besoin d’un éditeur pour écrire des histoires, d’une maison de disque pour inventer des chansons, d’un studio de cinéma pour faire des films, de diplômes pour être reconnus, d’une feuille de papier et d’un stylo pour écrire, d’un curriculum vite pour se vendre, d’un livre pour trouver des informations, de s’ennuyer pour apprendre, de l’école pour leur apprendre à se dévaloriser. On leur dit que Facebook c’est dangereux alors que ça crée des révolutions pour libérer un peuple entier et de l’entraide pour venir en aide aux sinistrés, on leur dit qu’internet rend asocial alors qu’ils n’ont jamais eu autant d’amis et n’ont jamais autant échangé, on leur dit que l’ordinateur c’est abrutissant alors qu’ils n’ont jamais autant été ébahis par la créativité et l’effervescence des matériaux et connaissances qu’ils rencontrent. On leur montre des vieilles cartes et des vieux documentaires alors qu’ils voyagent avec Google earth et autres applications dans le temps et dans l’espace comme s’ils y étaient. On leur dit que leurs compétences ne  leur serviront à rien pour trouver un travail, et pourtant on fait appel à eux pour diriger des campagnes politiques, publicitaires, pour innover, inventer, sécuriser, former un monde de sexagénaires dépassés.

Alors une approche interculturelle pourrait permettre de recréer un pont entre nos générations, sécuriser et lier le monde extérieur et celui de l’école, permettre de renouer le lien éducatif, retrouver notre rôle d’enseignant en créant du lien entre le savoir scolaire et le savoir de la vie, renouer avec la réussite scolaire et la créativité en valorisant et utilisant leurs compétences, les aider à naviguer et à se construire en toute sécurité, reprendre du plaisir à enseigner en leur permettant d’en avoir également. Parce que notre héritage où il fallait rester assis sur une chaise des heures durant à écouter un cours rébarbatif, ou il fallait souffrir pour apprendre et réussir, où on n’avait pas le droit à la différence et à la parole, où soit on était bon et on avait  un 15/20 soit on était nul et on avait un 5/20, et cela quoi qu’on fasse. De cette école ils n’en voudront plus. A nous de leur redonner gout à l’école, parce qu’ils n’ont pas arrêté d’apprécier l’écriture, la lecture, les mathématiques, l’histoire, les sciences, l’expression, le sport, les arts, etc., l’apprentissage a juste changer de lieu et se fait de façon sauvage par essai-erreur. A nous de les reconstruire de façon intelligente dans nos murs, mais pour cela il faudra nous remettre en question.

 

Mickey ParSi(s)Parla

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :